| Abécédaire des comparatistes de Paris Ouest Nanterre 
					  
P comme 
	
	Périphérie.
	Construite « au-delà du périphérique », Nanterre est
	historiquement le lieu d’une réflexion sur les marges et leur rapport
	au centre. Les comparatistes, tant par leurs méthodes que par leurs
	domaines de recherche, n’y font pas exception à la règle. Rapports
	Orient/Occident, mondialisation, transferts culturels, identités et
	genres… autant de directions explorées dans leurs ouvrages, colloques,
	séminaires et cours. J.-M. Moura, membre du CSLF, qui a publié divers
	ouvrages sur la littérature de voyage et l’exotisme, et qui participe
	à l’axe « Espaces littéraires transculturels », travaille quant à lui
	dans le champ des post-colonial studies 
	(Littératures francophones et théorie postcoloniale, P.U.F., 2013).
	Si les notions de « centre » et de « périphérie » sont elles-mêmes historiques
	et soumises à constante réévaluation, certaines littératures, peu étudiées
	dans le champ comparatiste français, font l’objet de thèses originales :
	littératures lusophones du Brésil, mais aussi du Mozambique, comme
	dans la thèse en cours de Fernanda Vilar, ou turque, comme dans celle
	d’Elise Duclos sur Pamuk et l’intertextualité européenne, ou encore du
	Pacifique. Voir aussi Brésil,
	Occident,
	Orient,
	Russes,
	Tsiganes,
	Weltliteratur.
    
 
	
	Philosophie.
	Depuis Platon, pour qui le différend qui oppose poète et
	philosophe est aussi ancien que fondamental, jusqu’à la naissance de
	l’idée de Littérature, dans son sens moderne (voir « Littérature »),
	philosophie et littérature ont un destin conjoint. Paradoxalement,
	alors que Kant et Hegel annonçaient la fin de l’art et des Belles
	Lettres, c’est la philosophie qui est parvenue à un terme historique
	et la littérature qui a constitué sa relève. Au point qu’au XXe siècle
	l’une et l’autre, selon le vœu de Victor Hugo, se trouvèrent
	« mêlées » et que les philosophes ont emprunté aux écrivains nombre de
	leurs concepts. La littérature générale et comparée, comme méthode et
	comme discipline, s’inscrit dans cette époque moderne de la
	Littérature. Elle est autant le fruit de ce mutuel engendrement que de
	cet éternel conflit. Dès lors, il lui appartient de penser dans
	l’entre-deux des discours et des théories, sinon d’être une pensée de
	l’entre-deux. Elle étudie les liens qui unissent l’éthique et
	l’esthétique, l’idée et l’image, la fiction et la vérité, le concept
	et le percept. A quoi et comment pense la littérature ? En quoi cette
	dernière a-t-elle repris à la philosophie la question des fins ? Tels
	sont les enjeux comparatistes d’une interrogation, aujourd’hui, sur
	les liens qui unissent la littérature et la philosophie. Ils se
	retrouvent dans le livre de Camille Dumoulié, Littérature et
	philosophie. Le gai savoir de la littérature (A. Colin, 2002), dans
	celui de William Marx,
	L’Adieu à la littérature : histoire d’une dévalorisation 
	(xviiie-xxe siècle) (Éditions de Minuit, 2005), ou dans
	celui de Frédérique Leichter-Flack, Le Laboratoire des cas de
	conscience, 2012). Mais ils font aussi l’objet d’une recherche
	collective dont témoignent le recueil La fabrique du sujet. Histoire
	et poétique d’un concept (Editions Desjonquères, 2011), Littérature et
	philosophie de Philippe Zard et Anne Tomiche (Artois Presses
	Université, 2002) et des sujets de thèse parmi lesquels David Herbert
	Lawrence et Georges Bataille, l’érotisme et le sacré, par Juliette
	Feyel et Le nomadisme. Histoire d’une représentation entre littérature
	et philosophie, par Emile Rat.
    
 
	
	Poésie.
	Plus c’est difficile à traduire, mieux la différence des
	langues et des cultures se laisse appréhender : la poésie est la
	pierre de touche du comparatisme. Historiquement incarnée au Centre de
	recherches en Littérature et Poétique comparées par les deux figures
	de poètes professeurs Colette Astier (poète sous le nom de Gabrielle
	Althen), qui a dirigé notamment le volume Poésie et Mystique
	(Littérales, n° 23, 1998), et Jean-Yves Masson, auteur, entre autres
	travaux, de Hofmannsthal, renoncement et métamorphose (Verdier, 2006),
	la poésie a fait l’objet plus récemment de séminaires organisés
	notamment par William Marx (sur le postsymbolisme et le modernisme)
	ainsi que d’une thèse de Florian Mahot Boudias sur la poésie politique
	dans l’entre-deux-guerres (autour d’Aragon, Auden et Brecht). Un autre
	doctorant, Mathieu Perrot, prépare une thèse sur la tentation
	anthropologique dans la poésie française et américaine du surréalisme
	à la Beat Generation. Plusieurs thèses soutenues récemment, comme
	celle de Joanna Rajkumar (Les limites du langage d’un siècle à
	l’autre, sur Baudelaire, Hofmannsthal et Michaux), ou celle d’Ilena
	Antici, qui comparait Proust à Montale et Salinas, se situaient
	également dans cette tradition, alliant poésie comparée et réflexion
	sur la traduction. Un colloque international sur le poète Claude Vigée
	a par ailleurs été organisé à Paris Ouest en 2010 (Là où chante la
	lumière obscure… Hommage à Claude Vigée, Sylvie Parizet dir., éd. du
	Cerf, 2011), poète qui avait déjà publié en 2006 un recueil d’ essais
	et d’entretiens en collaboration avec Sylvie Parizet (Les Portes
	éclairées de la nuit, éd. du Cerf). Voir aussi Russes,
	Traduction.
    
 
	Proust.
	Celui qui voyait en L’Idiot de Dostoïevski « le plus beau
	roman » qu’il connaissait fut sans doute, par les écrivains de son
	temps, l’un des plus passionnés par la littérature étrangère, qu’il
	lisait en traduction. Proust fasciné par la littérature étrangère,
	Proust vu de l’étranger, comme un étranger, c’est cette triple
	perspective qui a justifié un programme de recherche comparatiste qui
	s’est développé pendant plusieurs années à Nanterre et dans d’autres
	Universités européennes. Avec Vincent Ferré (Paris 13, puis Paris 12),
	Karen Haddad a organisé, entre 2007 et 2013, une série de journées
	d’étude et un colloque (actes publiés dans Proust, l’étranger,  CRIN,
	2010, et « Proust, dialogues critiques »,
	http://www.fabula.org/colloques/index.php?id=2156). Le centenaire de
	Du côté de chez Swann, quant à lui, a été célébré d’abord aux Pays-Bas
	avant de l’être à Nanterre, dans le cadre d’un partenariat Hubert
	Curien avec l’Université de Nimègue, donnant ainsi à la notion de
	décentrement tout son sens 
	(voir http://www.revue-relief.org/index.php/relief).
	Pendant cette période enfin, plusieurs thèses sur Proust et des auteurs 
	étrangers ont été soutenues à Nanterre, dont deux en co-tutelle avec l’Italie
	(Ilena Antici, sur Proust, Montale et Salinas, Elisabetta Abignente, sur Proust,
	Mann et Garcia Marquez, Sandra Cheilan, sur Proust, Woolf et Pessoa) : on n’en
	a pas fini avec les lectures comparatistes de Proust. Voir aussi
	Périphérie,
	Traduction.
    
 
	
	Psychanalyse.
	Les liens sont étroits entre l’interprétation
	psychanalytique et l’herméneutique littéraire, comme en témoignent les
	nombreuses références de Freud et de Lacan à la littérature. L’analyse
	des rêves, lesquels obéissent aux lois de la métaphore et de la
	métonymie, constitue une véritable poétique de l’inconscient. Les
	scénarios fantasmatiques s’élaborent sur « une autre scène » qui
	possède ses règles et sa dramaturgie. Le compte rendu d’une
	psychanalyse s’apparente à une nouvelle d’Edgar Poe ou à une enquête
	policière. Il est normal qu’en retour l’analyse littéraire, se
	développant dans le champ des sciences humaines, emprunte à la
	psychanalyse sa méthode et ses concepts, sans avoir pour autant la
	prétention de psychanalyser les auteurs ni les textes. La littérature
	comparée, qui met au jour des invariants et des typologies de
	l’imaginaire, qui étudie les mythes et les genres, qui se consacre aux
	transferts culturels et aux représentations de l’autre, trouve dans la
	psychanalyse un apport théorique et critique essentiel. Certains
	ouvrages de Camille Dumoulié en donnent l’exemple : Cet obscur objet
	du désir. Essai sur les amours fantastiques, L’Harmattan, 1995 ;
	Fureurs. De la fureur du sujet aux fureurs de l’histoire,
	Anthropos-Economica, 2012. Mais cette approche intéresse aussi bien la recherche
	collective que celle des doctorants (voir Désir).
    
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